Distributeurs : vos données magasin sont stratégiques

Dans notre dernier billet nous encouragions les distributeurs alimentaires à partager leur assortiments de produits pour laisser autour d’eux un écosystème vertueux se développer. Cela ne veut pas dire qu’il faut partager aveuglément toutes ses données. Nous argüons ici que certaines données magasin sont tout à fait stratégiques pour leur avenir et doivent rester dans le giron du distributeur.

Quel est l’enjeu ? Ni plus ni moins que le contrôle du client via l’appli mobile qu’il utilise en magasin. Les distributeurs non-alimentaires ont déjà pu mesurer les ravages du showrooming, pratique qui consiste à comparer les prix en magasin avec son mobile, de préférence avec l’appli du concurrent. N’en déplaise à certains, cet usage ne sert à rien au consommateur dans une grande surface alimentaire, si ce n’est à crédibiliser le positionnement prix d’un distributeur plus malin que les autres. En effet, on ne choisit pas son magasin sur la base du prix d’un tube de dentifrice; on ne raisonne pas de la même façon pour son caddie chez Carrefour que pour la dernière TV 3D chez Darty.

Le showrooming étant inutile en grande surface alimentaire, les enseignes y ont prêté peu d’attention. Ce, malgré un atout majeur: elles ont tout pour avoir le monopole de l’appli utilisée dans leur magasin. En effet, eux seuls ont les données nécessaires à une appli utile en magasin : prix, promos en cours, agencement du magasin, animations, etc. Ces données sont stratégiques, en ce qu’elles permettent des fonctionnalités essentielles pour l’expérience consommateur dans le magasin, et qu’elles sont difficiles à reproduire. Elles sont donc à la fois un avantage compétitif et une forte barrière à l’entrée. A noter que certains distributeurs ne semblent pas l’avoir compris, et donnent leur agencement magasin à Google. On se demande quel avantage ils en tirent, tant l’asymétrie de la valeur ajoutée dans ce type de partenariat est flagrante. Voilà pour la valeur d’usage. Pour l’adoption par le consommateur, un distributeur a bien évidemment le monopole du marketing de l’appli magasin là où elle est le plus utile, c’est à dire in situ, dans ses magasins. On ne s’étonnera donc pas qu’elle arrive à capter l’attention exclusive du client avec une appli bien faîte.

Les données magasins sont donc l’actif stratégique qui permet le contrôle du client via l’appli mobile qu’il utilise en magasin. On sait déjà que les possesseurs de smartphones font à 30% leur liste de courses sur le téléphone, donc qu’ils utilisent leur mobile en magasin. Le distributeur doit compléter cette expérience en y ajoutant des promotions ciblées qui augmentent le panier moyen, des analytics pour améliorer le planogramme et nous débarrasser une fois pour toute de l’infâme douchette tellement contraire à notre fonctionnement cérébral si bien modélisé par Daniel Khaneman (essayez de manipuler une liste de course + un produit + la douchette, avec seulement deux mains, tout en réfléchissant à ce que vous allez manger demain, et vous comprendrez).

Les distributeurs alimentaires doivent donc veiller à s’ouvrir de manière contrôlée pour encourager les achats dans leurs magasins tout en gardant le contrôle de l’appli magasin. Les usages ont précédé les solutions pour l’utilisation du mobile en magasin; gageons que le premier distributeur à proposer une vraie solution utile sur mobile pour son enseigne aura marqué des points.